Les cercueils de zinc, Svetlana Alexievitch

Svetlana Alexievitch

Christian Bourgois éditeur, 374 pages

1990


Titre original: Zinky boys







Les cercueils de zinc relève bien plus du travail journalistique que de l'oeuvre littéraire. L'auteur Svetlana Alexievitch, journaliste biélorusse fait parler, en une succession rapide de chapitres, d'innombrables témoins de la guerre d'Afghanistan menée par les soviétiques de 1979 à 1989.

Les soldats bien sûr, revenus de là-bas et qui racontent le quotidien fait de combats et d'atrocités, de précarité matérielle, de marché noir, de haine. Ils racontent aussi comme ils vivent leur retour dans une société retournée, qui les y a envoyés et qui désormais rejette cette sale guerre et ceux qui l'ont faite en son nom.

La guerre d'Afghanistan


L'auteur donne aussi la parole, dans cette succession de monologues, aux familles des soldats, ravagées par le deuil et la culpabilité. De témoignages en témoignages se dessine le profil d'une guerre sale, incompréhensible, d'un pays qui n'a pas les moyens de ses ambitions guerrières, d'une population endoctrinée et qui finalement détourne son regard de ceux qu'elle a contribué à envoyer faire la guerre aux Afghans.



Svetlana Alexievitch (Photo Frédéric Stucin)
Svetlana Alexievitch a été traînée devant la justice pour son travail, elle a été accusée de salir les anciens combattants, quand elle entendait dire toute la vérité sur cette guerre, et sur les cercueils de zinc contenant les dépouilles des soldats soviétiques, ramenés tout à fait discrètement par avion. Son travail a pourtant permis de faire avancer la société soviétique, de poser la lumière sur les faits et de faire avancer la vérité.

Svetlana Alexievitch s'est vue décerner le prix Nobel de littérature en 2015. Son oeuvre, qui relève de la littérature de témoignage, aborde l'histoire par le biais de successions de témoignages d'anonymes, qu'il s'agisse de témoins de la seconde guerre mondiale, de la catastrophe de Tchernobyl ou de la chute du communisme.




Un voleur parmi nous, Tobias Wolff

Tobias Wolff

Gallmeister, 112 pages

2016



Titre original: The Barracks Thief




C'est un court roman qui donne à voir un peu du quotidien des jeunes soldats incorporés dans l'armée américaine pendant la guerre du Vietnam. Un voleur parmi nous se déroule en 1967, au camp de Fort Bragg, en Caroline du Nord. Philip qui a intégré la 82e division aéroportée attend son ordre de départ pour le Vietnam. Pendant cette période, il se retrouve avec Lewis et Hubbart à devoir garder un dépôt de munitions.

Soldats et civils, anciens et jeunes recrues


Se côtoient dans ce roman sans vraiment se mélanger, les bleus et les anciens, ceux qui ont connu le Vietnam et ceux qui vont bientôt partir. L'auteur, l'Américain Tobias Wolff, décrit une autre fracture, celle qui grandit en cette période, entre les soldats et les civils, sur fond de contestation grandissante de la guerre.

Il donne aussi à voir cette vie dans les grandes bases et autour, les bars à hôtesses, les vendeurs de voitures d'occasion, tandis que l'armée à travers la formation des recrues, développe le sentiment d'appartenance des soldats à leur unité, et leur capacité à respecter un ordre quelle que soit l'évolution du contexte.

Le style est épuré, simple comme la vie de ces soldats. L'auteur créé un suspense qu'il entretient en mettant en place une double narration.

Tobias Wolff est né en 1945 dans l'Alabama. Il a passé quatre années dans l'armée américaine dans les années soixante. Il a publié Un voleur parmi nous en 1985.

[Podcast] Ecrivains dans la guerre, France culture

Ernest Hemingway (1899-1961)

Ecrivains dans la guerre
France Culture
Eté 2013







France Culture a présenté à l'été 2013 une série d'émissions hebdomadaires de 29 minutes sur les écrivains dans la guerre, réalisée par Olivier Weber.

Le grand reporter, correspondant de guerre, écrivain raconte le travail des romanciers dans la ou les guerres qu'ils ont traversées. Eléments de contexte, biographie, influence de l'événement sur l'homme et son oeuvre. De courtes séquences particulièrement bien faites.

Des écrivains au sommet de leur art


Le point commun de ces itinéraires est le fait que les romanciers sont tous déjà connus et au sommet de leur art quand ils s'en vont rendre compte des conflits en tant qu'envoyés spéciaux.

Grossmann pour la Pravda à Stalingrad, Malaparte pour le Corriere della Sera en Abyssinie et en URSS, John Steinbeck en Italie pendant la seconde guerre mondiale, Ernest Hemingway en Espagne, Jack London en Corée et au Mexique, Joseph Kessel en Israël en 1948.

Au programme:

(il suffit de cliquer su le patronyme pour accéder au podcast)

Le site de l'émission est sur le lien suivant: France culture Ecrivains dans la guerre

Les âmes grises, Philippe Claudel

Philippe Claudel

Stock, 288 pages

2003





Les âmes grises est le roman de la noirceur, de la vie recluse, des destinées égarées, du temps perdu. En 1917, dans une bourgade située à quelques kilomètres du front, une toute jeune fille est retrouvée étranglée au bord du canal. Le juge Mierck mène l'enquête. Le narrateur, policier au moment des faits, raconte "l'Affaire" bien des années plus tard: l'histoire de ce meurtre, son contexte, alors que tonne le canon et la première guerre Mondiale.

L'auteur, Philippe Claudel brosse le tableau d'un décor âpre, rugueux, une ambiance lourde, à couper au couteau. Il met en scène une brassée de personnages qui ne sont d'ailleurs, pour la plupart ni bons ni mauvais, jamais vraiment heureux, ou alors pour un court laps de temps. Dans ce pays, souvent, le malheur rattrape les petites gens. Comme la guerre attrape les destins des soldats qui défilent dans la bourgade, allant ou revenant du front. Il y a le procureur Destinat, l'institutrice Lysia Verhareine, Joséphine Maulpas.

Une intrigue, du suspense, et une adaptation au cinéma




D'ailleurs, la guerre est omniprésente. Le canon tonne, les régiments montent au front. Les soldats en reviennent blessés, gueules cassées.

Ce roman s'articule autour du récit a posteriori des évènements qui précédèrent et qui suivirent la découverte du cadavre de Belle de jour, le surnom de la petite assassinée, seul véritable personnage rayonnant. Ce n'est pas à proprement parler un polar même si l'intrigue et le suspense restent ouverts jusqu'à la fin de ce beau, sombre et profond roman.

« Moi non plus, lui dis-je, je n'ai plus son visage... Souvent je le cherche, j'ai l'impression qu'il vient vers moi, et pus il s'efface, il ne reste plus rien, alors je me tape, je m'engueule...Pourquoi donc, bêta? Ne plus se souvenir du visage de celle qu'on aimait... Je suis un salaud ». Joséphine haussa les épaules:« Les salauds, les saints, j'en ai jamais vu. Rien n'est ni tout noir, ni tout blanc, c'est le gris qui gagne. Les hommes et leurs âmes, c'est pareil... T'es une âme grise, joliment grise, comme nous tous...Des mots tout ça...Qu'est-ce qu'il t'ont fait les mots? » (page 134)
Ce n'est pas la première fois que La première guerre mondiale est le contexte d'une enquête. On peut ainsi citer Un long dimanche de fiançailles, de Sébastien Japrisot, ou encore Au revoir là-haut, de Pierre Lemaitre. Ces romans sont regroupés dans le blog et leurs chroniques accessibles sur le lien suivant Première guerre mondiale.

Le roman de Philippe Claudel a fait l'objet d'une adaptation au cinéma en 2005 par Yves Angelo.



La guerre, cet objet littéraire et philosophique


Guernica, Pablo Picasso, 1937.

Le site web www.site-magister.com se penche, parmi ses nombreux travaux dirigés et fiches thématiques, sur la guerre.

Son auteur, Philippe Lavergne, professeur agrégé de Lettres Modernes, rappelle que la guerre est un état continu, sinon normal de l'Humanité. Il propose d'aborder cette thématique en tant qu'objet littéraire et philosophique en se débarrassant "d'une déploration convenue sur la "boucherie héroïque" qui caractérise l'Histoire (avec sa grande hache, comme disait Georges Perec). Non qu'il faille oublier les charniers et les massacres, bien entendu, mais parler de la guerre en leur seul nom ne peut qu'entraîner un manichéisme sommaire".

De fiches de travail en analyses thématiques, citations et références (Eschyle, Homère, Raconter la guerre, Guerre et fête, La paix...), il propose également de nombreux liens, à destination d'un public lycéen et étudiant, mais pas uniquement.



On notera avec grand plaisir que le Blog des romans et des guerres fait partie des références et des liens proposés aux internautes.

Philippe Lavergne est également coanimateur du site www.weblettres.net, le portail de l'enseignement des lettres.