Cathie Barreau
Buchet Chastel, 147 pages
2014
L’amour ou la guerre. L’amour et la guerre.
La nature humaine semble naviguer éternellement entre ces deux états et Cathie Barreau, derrière un titre qui renvoie à une interrogation lancinante, décline ces notions dans un texte à la structure complexe. (..)
La guerre du Liban et la guerre en Syrie
Donatienne, à Nantes, est amoureuse de Jad, journaliste libanais qu’elle a rencontré à Beyrouth il y a quelques années. Donatienne est en train d’écrire un roman sur la guerre du Liban: l'histoire de Kamila la musulmane et Charbel le maronite, qui s'aiment clandestinement au milieu des combats.
Jad, lui, a écrit sur la guerre d’Algérie et multiplie les reportages sur la guerre civile syrienne. Jusqu'à temps que Jad disparaisse et que Donatienne soit plongée dans une insupportable incertitude.
L’écriture délicate de Cathie Barreau, la directrice de la maison de Julien Gracq à Saint Florent-le-Vieil sur les bords de Loire, décline ces états rémanents de l’histoire humaine, raconte des hommes et des femmes qui en vivant la paix, ne peuvent s’empêcher de penser à la guerre, aux guerres, celles qui furent et celles qui, immanquablement, reviendront. Celles qu’ils ont vécues où celles qui ont marqué leurs ancêtres.
Les guerres passées et à venir
Donatienne se sent en effet emplie des guerres de ses ancêtres. La seconde guerre mondiale qu'a vécue durement son père. La première guerre mondiale aussi, pendant laquelle a combattu son grand père. Jad de son côté a vécu la guerre du Liban.
«Elle le regardait tous les jours, elle le reconnaissait, il arrivait qu’elle lui parlât, il me ressemble, se disait-elle en souriant, je suis riche d’un amour naissant, de plusieurs guerres et d’une mort à venir, d’une vie à venir».
Ce roman est aussi un voyage, de Nantes à Beyrouth, du cours des Cinquante-Otages à la place des Martyrs, de l’île Feydau au quartier Gemmayzé, des quais de la Loire à la Corniche qui surplombe la Méditerranée, omniprésente. D’ailleurs, l’auteur s’autorise un clin d’oeil à Mathias Enard et cite l’incroyable Zone, (chroniqué ici), où l’on trouve ce thème lancinant de la guerre à travers les âges et le bassin méditerranée.
"Le 27 février 1917, le grand-père de Donatienne tombe dans un trou à Verdun. Le 17 juillet 1982, le grand-père de Jad est enseveli sous les décombres à Beyrouth. L'un et l'autre restent trois jours recroquevillés dans le noir. Ils entendent des voix mais ils ont peur et ne se manifestent pas. Ils seront découverts en plein midi le troisième juor et sauvés.Ressuscitons, puisqu'il le faut, pense Donatienne, chaque jour, restons en vie, ils l'ont décidé ceux qui jaillirent des tombes qui ne se sont pas fermées parce que les vivants ont fouillé les villes effondrées. Tous les jours, elle extirpe une main, un bras et tout son corps de la terre qui ne veut pas l'enfouir, elle vit et en jouit. puis elle cherche dans les vestiges et les ruines, elle cherche dans les livres s'il reste des vivants, si leurs yeux ont quelque chose à dire, à faire sentir, s'ils peuvent répondre, si l'humanité peut aimer, oui aimer parce qu'il ne s'agit que d'aimer, seul feu qui saurait nous garder encore un peu vivants". (page 136).
Cathie Barreau, née en 1957 en Vendée, est l'auteur de plusieurs romans.
Cathie Barreau |
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