Jean-Christophe Rufin
Gallimard, 407 pages
2015
C’était un temps où la guerre était à portée de camion. Au cœur des années 90, des dizaines d’associations humanitaires de tous les pays d’Europe sillonnaient la petite Bosnie à feu et à sang (..)
Été comme hiver, les bénévoles pilotaient des camions de tous gabarits, de tous âges, convoyant nourriture, médicaments, matériel médical vers les zones de conflit et leurs populations assiégées. À Sarajevo bien sûr, mais aussi au nord du côté de Bihac, à l’est vers Gorazde ou Tuzla, au sud à Mostar.
Deux camions sur les routes de Bosnie
Sur les routes de Bosnie, se croisaient également des convois et des patrouilles des Nations Unies, la fameuse Force de protection des Nations Unies, la FORPRONU, avec ses véhicules blancs bardés des lettres UN. Et tous étaient soumis aux incontournables check-points.
C’est le titre du roman de Jean-Christophe Rufin qui explore une nouvelle fois les méandres des motivations des humanitaires, tortueux comme une route de Bosnie. Deux camions d’une association lyonnaise sont en route vers Kakanj, bourgade de Bosnie centrale à 120 kilomètres au nord de Sarajevo. L’action se situe à l’automne 1994. La Bosnie est en guerre depuis avril 1992. Dans les cabines des deux camions, cinq personnages pour un « huis clos roulant » en pleine guerre. Quelles sont les motivations des uns et des autres ? Quelle réalité se cache derrière l’ambition de traverser l’Europe pour livrer des vivres en zone de guerre ?
Un convoi de l'association humanitaire Première urgence fin 1992 en Bosnie (Image Première urgence) |
C’est le titre du roman de Jean-Christophe Rufin qui explore une nouvelle fois les méandres des motivations des humanitaires, tortueux comme une route de Bosnie. Deux camions d’une association lyonnaise sont en route vers Kakanj, bourgade de Bosnie centrale à 120 kilomètres au nord de Sarajevo. L’action se situe à l’automne 1994. La Bosnie est en guerre depuis avril 1992. Dans les cabines des deux camions, cinq personnages pour un « huis clos roulant » en pleine guerre. Quelles sont les motivations des uns et des autres ? Quelle réalité se cache derrière l’ambition de traverser l’Europe pour livrer des vivres en zone de guerre ?
Les humanitaires doivent-ils transgresser le principe d'impartialité?
Jean-Christophe Rufin avait déjà abordé le thème de l’action humanitaire dans Asmara et les Causes perdues (Gallimard, 1999). Dans Check-point, il revient avec cette question lancinante : peut-on rester neutre et impartial au beau milieu des combats ? À quoi cela sert-il d’apporter des vivres à des populations assiégées si rien ne contribue à mettre fin au siège qui les fait souffrir ? Le véritable soutien n’est-il pas dans l’engagement par les armes ? C’est là qu’intervient la figure métaphorique du check-point.
Le sniper et le check-point
Véhicules de la FORPRONU aux abords d'un check-point à Malo Polje, près de Mostar (août - nov 1995). Image ECPA |
Faut-il franchir la limite, transgresser les règles de l’impartialité, traverser la frontière qui sépare la neutralité de la prise de position. La guerre de Bosnie fut symbolisée par deux éléments majeurs. La figure du sniper (au coeur du roman de Jean Hatzfeld Robert Mitchum ne revient pas, déjà chroniqué dans le blog) et le check-point, ce point de contrôle qui pouvait surprendre les convois au détour de n’importe quel virage.
Rufin se saisit de toute la symbolique de ce passage entre deux mondes, entre deux entités en guerre, ce basculement d’une réalité à l’autre pour interroger l’action humanitaire : franchir la limite, c’est passer de l’impartialité à l’engagement d’un côté. C’est ce qui travaille et divise les personnages du roman.
Le nationalisme pan serbe à l'origine du conflit
Rufin, diplomate et académicien, qui fut des pionniers de l’humanitaire, ne s’appesantit pas sur les raisons de la guerre de Bosnie. Tout juste fait-il préciser à l’un de ses personnages que si toutes les parties en conflit commettent des atrocités, le déclenchement de la guerre, lui, est à chercher du côté de Belgrade et du nationalisme pan-serbe réactivé par Milosevic à la fin des années 80.
Le salaire de la peur
Mais il livre un beau roman d’aventure qui dans sa seconde partie, s’enroule autour d’un suspense bien tenu qui prend la forme d’une course-poursuite à travers les petites routes enneigées de montagne. C’est un peu le salaire de la peur, les camions foncent au bord des précipices, les miliciens s’agitent, les humanitaires s’entre déchirent. La guerre continue autour d’eux. Elle durera encore un an et sera le théâtre d’un génocide (Srebrenica, juillet 1995). À force de ne pas prendre parti.
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