Antoine Compagnon (Photo François Bouchon) |
Guerre et littérature. C'est l'objet de ce blog et c'est surtout l'un des couples les plus anciens de l'histoire humaine, tout du moins depuis l'apparition de l'écriture. Antoine Compagnon, historien et spécialiste de Proust, titulaire de la chaire de Littérature française moderne et contemporaine au Collège de France, a consacré son cours de l'année 2014 à cette thématique, sous l'intitulé La guerre littéraire. (..)
Dans son cours inaugural du 14 janvier 2014, il explique "le caractère inséparable de la littérature et de la guerre, depuis l'Illiade et jusqu'à Guerre et Paix, et au-delà". Son cours (neuf séances dont les vidéos sont consultables sur le site du Collège de France) s'articule autour de deux axes
- la littérature comme guerre, c'est-à-dire comme théâtre d'une guerre (avec un aspect transhistorique)
- la guerre des écrivains, c'est-à-dire la guerre telle qu'elle est écrite par les écrivains (un aspect plus circonstanciel, plus historique)
La guerre, pas vraiment une rupture, plutôt une parenthèse littéraire
Dans son deuxième cours, du 21 janvier 2014, Antoine Compagnon remet en question l'idée que le mouvement littéraire moderne et international du début du XXe siècle aurait été suspendu avec le début de la première guerre mondiale en août 14.
Bien sûr il y a une littérature de guerre qui apparaît, en France, sous la forme de romans, et qui se présente comme un document, une mémoire, un témoignage. Littérature héroïque et patriotique ou littérature pacifiste, elle se caractérise par des oeuvres proposant peu d'intrigue, dit-il. Il note aussi que dans la littérature française de cette époque, on ne trouve rien de comparable à Orage d'acier (Ernst Jünger), ou à l'Ouest rien de Nouveau (Reiner Maria Rilke).
Il convient toutefois d'une certaine homogénéité par-delà les frontières, avec l'expérience de la guerre moderne où l'on est tué bien plus que l'on ne tue.
Mais il conteste l'idée d'une coupure irrémédiable entre 1913 et 1918.
Mais au fait, la littérature de guerre a-t-elle vraiment commencé en 1914? Pour Antoine Compagnon, la littérature patriotique a été préparée par de nombreux ouvrages antérieurs au conflit, des oeuvres aux accents guerriers, glorifiant le combat, l'ordre et l'armée, le patriotisme, le nationalisme et le traditionalisme. Il cite ainsi Barrès, Maurras, Peguy, mais aussi Psichari. Et résume cela en un "bergsonisme militaire", notamment pour le dernier.
La guerre a suscité une littérature de témoignage
Ainsi, beaucoup de textes juste avant la guerre annonçaient le type de littérature apparue pendant le conflit. La césure de 1914 ne serait donc pas si importante que cela. Quant à celle de 1918, Compagnon cite la fameuse conférence de Georges Duhamel tenue le 13 décembre 1920 et intitulée Guerre et littérature. Le texte intégral est mis en ligne sur ce blog et consultable ICI.
Georges Duhamel conteste l'idée que la guerre a offert matière à faire de la belle littérature. Il affirme d'ailleurs qu'elle n'avait point besoin d'être renouvelée. A bien y regarder, les grands auteurs des années 20, ne sont pas des auteurs de littérature de guerre. Compagnon cite Proust, Valery, Gide, Claudel et Colette.
Georges Duhamel conteste l'idée que la guerre a offert matière à faire de la belle littérature. Il affirme d'ailleurs qu'elle n'avait point besoin d'être renouvelée. A bien y regarder, les grands auteurs des années 20, ne sont pas des auteurs de littérature de guerre. Compagnon cite Proust, Valery, Gide, Claudel et Colette.
Pour parler de la littérature de guerre, Duhamel invente le concept de littérature de témoignage.
Ainsi pour conclure ce deuxième cours, Antoine Compagnon invite à ne pas trop accentuer "le changement géologique", aussi bien en amont de la guerre qu'en 1918.
A suivre sur le site du Collège de France ICI
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