Philippe Claudel
Stock, 288 pages
2003
Les âmes grises est le roman de la noirceur, de la vie
recluse, des destinées égarées, du temps perdu. En 1917, dans une bourgade
située à quelques kilomètres du front, une toute jeune fille est retrouvée
étranglée au bord du canal. Le juge Mierck mène l'enquête. Le narrateur,
policier au moment des faits, raconte "l'Affaire" bien des années plus tard: l'histoire de ce
meurtre, son contexte, alors que tonne le canon et la première guerre Mondiale.
L'auteur, Philippe Claudel brosse le tableau d'un décor âpre,
rugueux, une ambiance lourde, à couper au couteau. Il met en scène une brassée
de personnages qui ne sont d'ailleurs, pour la plupart ni bons ni mauvais,
jamais vraiment heureux, ou alors pour un court laps de temps. Dans ce pays,
souvent, le malheur rattrape les petites gens. Comme la guerre attrape les
destins des soldats qui défilent dans la bourgade, allant ou revenant du front.
Il y a le procureur Destinat, l'institutrice Lysia Verhareine, Joséphine
Maulpas.
Une intrigue, du suspense, et une adaptation au cinéma
D'ailleurs, la guerre est omniprésente. Le canon tonne, les
régiments montent au front. Les soldats en reviennent blessés, gueules cassées.
Ce roman s'articule autour du récit a posteriori des
évènements qui précédèrent et qui suivirent la découverte du cadavre de Belle
de jour, le surnom de la petite assassinée, seul véritable personnage
rayonnant. Ce n'est pas à proprement parler un polar même si l'intrigue et le
suspense restent ouverts jusqu'à la fin de ce beau, sombre et profond roman.
« Moi non plus, lui dis-je, je n'ai plus son visage... Souvent je le cherche, j'ai l'impression qu'il vient vers moi, et pus il s'efface, il ne reste plus rien, alors je me tape, je m'engueule...Pourquoi donc, bêta? Ne plus se souvenir du visage de celle qu'on aimait... Je suis un salaud ». Joséphine haussa les épaules:« Les salauds, les saints, j'en ai jamais vu. Rien n'est ni tout noir, ni tout blanc, c'est le gris qui gagne. Les hommes et leurs âmes, c'est pareil... T'es une âme grise, joliment grise, comme nous tous...Des mots tout ça...Qu'est-ce qu'il t'ont fait les mots? » (page 134)
Le roman de Philippe Claudel a fait l'objet d'une adaptation au cinéma en 2005 par Yves Angelo.
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