Où j'ai laissé mon âme

Jérôme Ferrari

Albin Michel, 153 pages

2010




Voilà un texte beau et sombre sur la nature humaine. Jérôme Ferrari développe sa vision de l'homme à travers ce drame planté au coeur de la guerre d'Algérie.

Le capitaine André Degorce, résistant français, torturé et déporté par les nazis en 1944, puis engagé volontaire en Indochine, mène la chasse aux terroristes à Alger en 1957. Sur l'un des murs de son bureau, les cases de l'organigramme du FLN se remplissent progressivement tandis que les détenus parlent sous la torture. Degorce finit par capturer Tahar, la tête du réseau. Mais le soldat français sombre à mesure qu'il entrevoit ce que la guerre fait de lui.


Où j'ai laissé mon âme est structuré autour de la narration des évènements à Alger et le discours du lieutenant Horace Andreani, qui assume la torture et l'exécution des prisonniers, et qui a connu Degorce à Diên Biên Phu et dans les camps du Vietcong. Jérôme Ferrari disserte sur la noirceur de la nature humaine, ce côté sombre qui transparaît, selon lui, dans certaines circonstances, comme l'enfermement dans un camp de concentration nazi, dans un camp de rééducation vietminh, ou au cours d'une guerre de renseignement.



"Vous savez ce qu'il en est de la dignité de l'être humain, vous savez ce que valent les hommes, vous et moi compris. Quand nous sommes arrivés au camp viet, après Diên Biên Phu, je m'en souviens très bien, c'est vous qui, le premier, me l'avez appris, comme vous m'avez appris tant de choses. Nous étions assis, épuisés et affamés, avec un groupe de prisonniers, et vous m'avez dit, je sais ce qu'est un camp, Horace, dans quelques jours, nous ne pourrons plus compter sur la plupart de nos camarades, vous allez voir apparaître l'homme et il faudra apprendre à vous en préserver, l'homme, l'homme nu, ce sont vos propres mots, je m'en souviens très bien et vous aviez raison. L'avez-vous oublié?" (Page 24).

....

"L'esprit des hommes est capable d'embrasser tant de choses si merveilleusement diverses. Mais dès les premiers jours à Buchenwald, le capitaine Dégorce s'en souvient, elles perdent leur attrait et cessent tout simplement d'exister, à commencer par les plus hautes, les plus dignes de vénération jusqu'à ce que, finalement, la moindre pensée abstraite deviennent impossible. A vrai dire, il n'y a plus de pensée du tout et ne demeurent dans l'esprit mutilé et rétréci que les préoccupations caractéristiques d'une forme de vie incroyablement primitive, aveugle, patiente et obstinée -celle d'une bactérie prisonnière d'un glacier sans âge, celle d'une larve dans les ténèbres." (Page 99).

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